Usufruit et nue-propriété
Un jour ou l’autre, vous entendrez parler d’« usufruit ». Peut-être lors d’un moment difficile, comme le décès d’un conjoint, ou au contraire lorsque vous décidez de préparer sereinement votre succession. Mais qu’est-ce que l’usufruit exactement ? Il s’agit d’un droit bien particulier, partagé avec ce que l’on appelle la « nue-propriété ».

Usufruit
L'usufruit est un droit, démembré du droit de propriété, d'utiliser et de percevoir les fruits du bien sur lequel il repose. En d'autres termes, l'usufruitier a un droit sur le produit de quelque chose dont quelqu'un d'autre est propriétaire (ce dernier est appelé le "nu-propriétaire").
On peut comparer l'usufruit à un pommier : l'arbre lui-même appartient au nu-propriétaire, mais l'usufruitier peut cueillir les pommes sur l'arbre sa vie durant.
L'usufruitier ne peut pas jamais aliéner le bien (le vendre ou le donner).
Si l'usufruit porte sur un immeuble, l'usufruitier peut continuer à occuper le bien. Il peut aussi le louer et en percevoir les loyers,
Si l'usufruit porte sur un meuble (une voiture par exemple), il peut continuer à l'utiliser sa vie durant.
Si l'usufruit porte sur de l'argent ou des comptes, il peut en percevoir les intérêts (le capital, quant à lui, reste la propriété du nu-propriétaire).
L'usufruitier a par ailleurs des devoirs : il doit maintenir la propriété en état (les frais d'entretien sont à sa charge, le nu-propriétaire, quant à lui, doit seulement se charger des grosses réparations).
et
nue-propriété
Propriété d’un bien sur lequel une autre personne a un droit d’usufruit. Le nu-propriétaire ne peut utiliser ni jouir de ce bien. La nue-propriété est le droit donnant au nu-propriétaire la faculté de disposer d’une chose mobilière ou immobilière (il peut la vendre, la donner, la léguer) alors que l’usufruitier dispose seulement du droit d’en avoir l’usage.
sont des notions parfois difficiles à comprendre. On les rencontre souvent dans le cadre d'une
succession
Transmission du patrimoine d'une personne défunte ou masse du patrimoine ainsi transmis.
.
Si vous êtes marié sans contrat de mariage et que votre conjoint décède sans avoir fait de
testament
Un testament est un écrit qui reprend les dernières volontés d’une personne. Le testateur (=l’auteur du testament) y précise comment et à qui ses biens reviendront après son décès. Il y a trois formes de testaments : olographe, authentique et international. Chaque forme de testament présente des avantages et des inconvénients.
, vous hériterez de l'usufruit de la succession alors que les enfants de votre conjoint hériteront de la nue-propriété.
Mais que cela veut-il dire concrètement ? Que pouvez-vous faire en tant qu'usufruitier ? Que peuvent faire les nu-propriétaires ? Qui doit payer les taxes de la maison ? Qui peut percevoir les loyers si le bien est loué ?

Les droits de l'usufruitier
L’usufruitier a le droit d’utiliser le bien dont il a l’usufruit et de jouir de toute espèce de fruits que peut produire ce bien. Il peut ainsi utiliser une voiture, du mobilier, occuper un immeuble sans devoir payer de loyer, mettre un immeuble en location et percevoir les revenus locatifs. On peut également être usufruitier d’une somme d’argent, d’un compte bancaire, d’un portefeuille de
titres
Les droits des fondateurs d’une société ou des actionnaires sont représentés par des titres. Certains titres sont représentatifs de l’actif et du bénéfice de la société (on parle alors d’actions), d’autres sont représentatifs d’une dette de la société (on parle alors d’obligations et leurs propriétaires sont de simples créanciers).
, d’un droit de
créance
Une créance est un droit que détient le créancier à l'encontre du débiteur qui lui doit quelque chose.
, d’
actions
Part de la propriété d’une entreprise. L’action représente un droit sur l’actif et le bénéfice. En achetant une action, vous devenez propriétaire d’une part de la société, et récoltez une série de droits y afférents, comme le droit de vote aux assemblées générales ou le versement d’une « rémunération » annuelle sous forme de dividendes.
de sociétés, etc. Ici aussi, les droits de l’usufruitier se concrétisent entre autres par la perception des revenus produits par les biens (intérêts, dividendes distribués, etc.).
Il est utile de signaler que pour vendre ou donner le bien dont il a l’usufruit, l’usufruitier doit obtenir le consentement du nu-propriétaire.
Les obligations de l'usufruitier
Si l’usufruitier a des droits, il a aussi des obligations. Il est tenu d’utiliser et d'entretenir le bien comme une personne prudente et raisonnable. Il est garant du capital Le capital est constitué des montants et des biens qui sont apportés par les actionnaires à l’occasion de la constitution de la société ou d’une augmentation de capital ultérieure. Le capital est en principe invariable, sauf en cas de modification statutaire. Lors de la constitution de la société, les statuts précisent quel sera le montant de ce capital. Ce capital sera divisé en actions, représentatives de ce capital. Une fois que le capital et le nombre d’actions à émettre en contrepartie sont déterminés, il doit correspondre à un engagement des fondateurs à apporter ce capital à la société, chacun pour la quote-part qu’ils ont déterminée à l’avance. Ils souscrivent ainsi au capital. Le capital est exigé uniquement pour la SA. En contrepartie de leur apport en capital, les fondateurs recevront des actions de la société, représentatives de ce capital. Ce capital doit être intégralement souscrit à la constitution de la société, ce qui signifie que le montant du capital déterminé dans les statuts de la société doit correspondre à la somme des engagements des fondateurs. du nu-propriétaire.
Cependant, pour les biens immobiliers, les frais relatifs aux grosses réparations (de toiture, des gros murs, des poutres, fondations) sont à charge du nu-propriétaire.
Choisir la bonne forme de cohabitation : un impact majeur sur votre héritage
Tous les partenaires ne bénéficient pas des mêmes droits successoraux. La manière dont vous vivez en couple détermine ce que vous (ou votre partenaire) recevrez en héritage.
- Les cohabitants de fait : ils n’ont aucun droit à l’héritage. Pour qu’ils héritent l'un de l'autre, il faut prévoir un testament ou une autre disposition spécifique.
- Les cohabitants légaux : ils héritent de l’usufruit sur le logement familial Le logement familial est le lieu privilégié où la famille se loge, mange, partage ses loisirs : là où elle vit et où chacun de ses membres peut s'épanouir. Il s'agit du lieu où la famille habite réellement. Il ne s'agit pas nécessairement du domicile. Ainsi, une même personne pourrait avoir un domicile (où elle exerce par exemple son activité professionnelle) et une résidence (où elle habite avec son conjoint et ses enfants). Le logement familial bénéficie d’une protection : lorsqu’il appartient à un seul des époux ou cohabitant légal, celui-ci ne peut vendre ou hypothéquer cet immeuble sans l’accord de son époux ou de son cohabitant légal. et son contenu. Ce droit peut être réduit ou étendu par testament, en fonction de vos volontés.
- Les couples mariés : ils bénéficient d’un droit plus étendu : l’usufruit sur l’ensemble du
patrimoine
Le patrimoine est l’ensemble des biens qui appartiennent à une personne physique ou morale.
(ex : l'usufruit sur le logement familial, sur les comptes bancaires ou sur une résidence secondaire).
⚠️ Ce droit peut être limité par certaines dispositions, mais le conjoint survivant dispose toujours d’une réserve héréditaire.
Et les enfants dans tout ça ?
Les enfants héritent de la nue-propriété des biens. Concrètement, pour la maison familiale, ils en possèdent la structure, mais ne peuvent pas l’utiliser tant que l’usufruitier (le partenaire survivant) est en vie.
À son décès, la nue-propriété se transforme automatiquement en pleine propriété, et les enfants deviennent pleinement propriétaires.
La conversion de l'usufruit
L’usufruit peut parfois engendrer certaines difficultés pratiques. S’il s’agit d’un usufruit sur une somme d’argent, il semble parfois plus intéressant de convertir les droits de l’usufruitier en un capital que de déposer l’argent sur un compte commun dont l’usufruitier ne pourra recueillir que les intérêts.
Pour remédier à ces problèmes, la loi a prévu la conversion de l’usufruit. Il existe 3 manières de convertir l’usufruit du conjoint survivant :
- la conversion en pleine propriété des biens grevés de l’usufruit : par le rachat de la nue-propriété, l’usufruitier devient plein propriétaire du ou des biens sur le(s)quel(s) il exerçait son usufruit
- la conversion en une somme d’argent attribuée à l’usufruitier : les nus-propriétaires rachètent en quelque sorte l’usufruit et deviennent pleins propriétaires
- la conversion de l’usufruit en une rente indexée et garantie Une garantie est un engagement qui assure l’exécution d’un contrat, d’une obligation. En l’occurrence, la garantie est la somme versée par l’acquéreur à la signature du compromis. Cette somme reste sa propriété jusqu’au jour de la signature de l’acte où elle devient un acompte à valoir sur le prix de vente. : il s’agit également d’un rachat de l’usufruit, mais le prix consiste cette fois en une rente viagère
S'il y a également des descendants (enfants communs, enfants naturels ou adoptifs), cette conversion peut être demandée par l'usufruitier et les nus-propriétaires ou par l'usufruitier seul.

L’usufruit du conjoint survivant : une protection renforcée pour le logement familial
La loi accorde une attention particulière à l’immeuble servant de résidence principale à la famille ainsi qu’aux meubles meublants. Cette protection vise à éviter les conflits entre le conjoint survivant et les autres héritiers, notamment en présence d’enfants issus d’une précédente union.
En pratique, l’usufruit du conjoint survivant sur le logement familial et son contenu est intouchable : les nus-propriétaires ne peuvent jamais exiger sa conversion sans son accord.
Même si le défunt a établi un testament réduisant la part du conjoint survivant à sa
réserve
Part du patrimoine dont on ne peut disposer librement par donation ou testament et revenant aux héritiers légaux (conjoint survivant et descendants par exemple).
héréditaire (c’est-à-dire la moitié de la succession en usufruit), il ne peut en aucun cas lui retirer l’usufruit sur le logement familial et ses meubles.
L'usufruit d'un portefeuille de titres
Qui aura les revenus ?
Disposer d'un droit d'usufruit signifie avoir le droit de percevoir les revenus. Ainsi, si le conjoint survivant a l'usufruit du portefeuille de titres de son conjoint défunt, c'est lui qui pourra en percevoir les revenus. Cela signifie qu'il pourra percevoir les intérêts.
Cette solution est facilement applicable aux revenus par distribution (intérêts d'obligations ou coupons pour les actions). De même, il n'y aura pas trop de problème pour les obligations venues à échéance, parce que l'usufruitier pourra demander que les liquidités soient placées sur un livret d'épargne disponible sans trop de difficulté.
La question des revenus est beaucoup plus délicate pour les produits de capitalisation, où les revenus sont automatiquement rajoutés au capital. Les nus-propriétaires et usufruitiers seront obligés de s'entendre sur une solution, et la conversion de l'usufruit sera probablement la meilleure solution.
Qui peut gérer le portefeuille ?
Si la succession comprend un portefeuille de titres, qui a le pouvoir de gérer ce portefeuille : les nu-propriétaires ou l'usufruitier ? Qui pourra décider du remplacement des titres ?
L'usufruitier préférera certainement un portefeuille à haut rendement et donnera la préférence à un placement de distribution plutôt qu'à un placement de capitalisation. Par contre, le nu-propriétaire préférera le contraire.
Ici aussi, les deux parties seront donc obligées de s'entendre et, à défaut d'accord, il ne restera que la solution de la conversion.
Comment éviter les problèmes ?
À défaut d'entente, le nu-propriétaire et l'usufruitier peuvent donc demander la conversion de l'usufruit. Si les parties sont d'accord sur les modalités de cette conversion, il n'y a pas de problème. Mais c'est rarement le cas. Prenons l'exemple d'un usufruit sur les parts de sicav de capitalisation : le nu-propriétaire pourra prétendre que la valeur de l'usufruit est nulle, puisque ces parts ne produisent aucun rendement, tandis que l'usufruitier prétendra que la valeur du capital augmente chaque année avec la capitalisation des revenus. Bien entendu, les parties peuvent s'adresser au Tribunal, mais, elles hésiteront à le faire en raison du coût et de la longueur des procédures.
La meilleure solution est de proposer à celui qui possède des titres de régler lui-même le sort de ces biens par voie de testament.
Il existe plusieurs possibilités : par exemple :
- décider une attribution partielle des parts à son conjoint et le reste aux autres héritiers ;
- laisser les titres aux autres héritiers, à charge pour eux de verser une rente viagère au conjoint survivant ;
- partager ses biens en laissant au conjoint la propriété de certains biens et la propriété d'autres biens aux autres héritiers.
Toutes ces solutions nécessitent une mûre réflexion et la rédaction d'un testament peut s'avérer complexe. N'hésitez pas à contacter un notaire qui vous aidera à rédiger ces clauses.
Comment l'usufruit prend fin ?
L'usufruit du conjoint survivant peut prendre fin, soit par extinction du droit, soit par renonciation, soit par privation.
- Extinction du droit d'usufruit : l’usufruit est un droit temporaire, généralement viager. Il s’éteint automatiquement au décès de l’usufruitier. Cette extinction ne suscite ni frais, ni formalités, ni
droits de succession
Sommes perçues par le Trésor à l'occasion d'un décès et calculés sur l'actif net du défunt, lequel s'obtient comme suit : actif brut moins le passif.
• Actif brut : ensemble des valeurs (titres, espèces, obligations,
immeubles, …).
• Passif : ensemble des dettes (emprunts hypothécaires et
personnels, loyers impayés, frais d'enterrement,
etc.).
. - Renonciation au droit d'usufruit : on peut renoncer à son usufruit. Cette renonciation peut être pure et simple. Elle peut aussi, dans le cas du conjoint survivant, s’opérer par le mécanisme de la conversion de l'usufruit.
- Privation du droit d’usufruit : votre conjoint peut être privé de son droit d’usufruit à 3 conditions :
- Vous viviez séparément depuis plus de 6 mois au jour de votre décès ;
- Avant votre décès, vous aviez sollicité en justice une résidence séparée et vous n'avez pas repris de vie commune depuis lors ;
- Vous avez rédigé un testament, dans lequel vous déshéritez votre conjoint.
