Acheter à plusieurs : division et indivision

Il arrive souvent que plusieurs membres d'une même famille ou des amis souhaitent acquérir une grande maison ensemble, mais où chacun serait seul propriétaire de sa partie d'immeuble. Prenons l'exemple de trois amis qui souhaitent acheter un immeuble ensemble, en occupant chacun un appartement. Quelles sont les possibilités qui s'offrent à eux ?

Acquisition en indivision

L'acquisition peut se faire "en indivision " entre les propriétaires. Il faudra déterminer dans le cadre de l' acte d'acquisition dans quelle proportion chacun achète : chacun sera propriétaire d'une fraction de l'ensemble de l'immeuble, et personne ne sera seul propriétaire d'une partie de l'immeuble.

Tôt ou tard, des difficultés pourront surgir : par exemple, un des copropriétaires change de travail, doit quitter l'immeuble pour s'installer à l'étranger, et désire vendre sa part ; un des propriétaires refuse de participer aux frais de remplacement de la vieille chaudière et s'oppose à son renouvellement ; un copropriétaire fait des grandes transformations à l'appartement qu'il occupe, et l'ensemble de l'immeuble profitera de la plus-value.

S'il n'y a pas moyen de résoudre ces difficultés amiablement, il faudra recourir à la procédure de sortie d'indivision.
 

Acquisition d'une division de l'immeuble

Pour ces raisons, les futurs propriétaires préféreront souvent acquérir chacun, à titre personnel, une partie de l'immeuble. Chacun sera seul propriétaire de son propre appartement, et disposera d'un pourcentage dans la partie de la maison servant à tous : hall, cage d'escalier, toit, ... Chacun sera libre d'investir dans son propre appartement, et chacun pourra vendre son lot ultérieurement.

Pour arriver à ce résultat, il faudra diviser l'immeuble en plusieurs entités différentes, en établissant un acte de base et un règlement de copropriété . Cet acte déterminera avec précision ce qui appartiendra personnellement à chacun et ce qui restera à l'ensemble des copropriétaires, ainsi que le fonctionnement de la copropriété . Cet acte de base pourra comporter certaines clauses particulières, comme, par exemple, un droit de préférence , à prix égal, au profit des autres copropriétaires.

Dans le cas d'une vente de gré à gré , l'acte de base sera généralement signé par le vendeur, avant l' acte de vente : cela lui permettra de vendre chaque entité à chacun des copropriétaires. Bien entendu, cet acte se base sera rédigé en fonction des désirs des acheteurs.
 

Les conventions d'indivision

 La loi prévoit que "nul n'est tenu de rester en indivision". Cependant, si plusieurs personnes sont copropriétaires d'un immeuble, ils peuvent s'engager à rester en indivision, à certaines conditions.

Rester en indivision pour un immeuble signifie accepter de rester propriétaire de cet immeuble avec d'autres personnes. Celui qui s'engage à rester en indivision s'engage donc à ne pas demander la vente.

Il arrive très souvent que des copropriétaires désirent avoir la certitude de ce qu'aucun d'entre eux ne demandera la vente :

  • des parents donnent un immeuble à leurs enfants en leur demandant expressément de ne pas le vendre.
  • deux époux se séparent et l'un d'entre eux est autorisé à rester dans la maison. Il demandera à son conjoint un engagement de ne pas forcer la vente de la maison
  • les héritiers d'un époux qui décède veulent s'engager à ne pas demander la vente d'un immeuble tant que l'époux survivant est encore en vie.
  • ...
     

Le pacte d'indivision

Tous ceux qui se trouvent dans de telles situations désirent être protégés en signant une convention par laquelle ils s'engagent mutuellement à ne pas demander la vente. Cette convention s'appelle un " pacte d'indivision ". Pendant la durée de cette convention, aucun des copropriétaires ne pourra forcer la vente de l'immeuble.

Bien entendu, si tous ceux qui ont signé le pacte d'indivision s'accordent pour vendre l'immeuble malgré tout, il n'y aucun problème : il faudra cependant un accord unanime.

La loi prévoit cependant qu'un pacte d'indivision ne peut lier les copropriétaires que pour une période maximale de cinq ans. La raison de cette limitation de durée est simple : il n'est pas sain d'autoriser des situations de blocage pendant une durée trop longue, et le délai de cinq ans paraît tout à fait raisonnable.

À l'expiration de cette période de cinq ans, les copropriétaires peuvent décider de renouveler le pacte d'indivision. À la fin de ce renouvellement, ils peuvent à nouveau décider de le renouveler, et ainsi de suite à l'expiration de chaque période de cinq ans. La loi ne fixe aucune limite au nombre de renouvellements possibles.

Il arrive cependant que, malgré les termes de la loi, les copropriétaires décident de rester en indivision pour une durée supérieure à la durée légale de cinq ans. Par exemple, ils décident maintenant de maintenir l'indivision pendant douze ans. Cette convention n'est pas nulle, mais elle n'est obligatoire que pendant la durée légale maximale.

Comment sortir d'indivision ?

Plusieurs personnes sont copropriétaires d'un immeuble. Cette situation peut devenir difficilement supportable. Que peuvent-ils faire ?

Une indivision (deux ou plusieurs propriétaires d'un même immeuble) peut poser certains problèmes. Qui pourra habiter l'immeuble ? Qui s'occupera de la location et recevra les loyers ? Qui paiera les charges et le précompte ? Qui s'occupera des réparations et en supportera le coût ?

Si les propriétaires s'entendent pour gérer cette indivision, il n'y a aucun problème. Par exemple dans le cas d'un ménage où les deux époux sont copropriétaires. Il suffit de régler ces questions entre eux.

De même, si les copropriétaires veulent s'empêcher mutuellement de demander la vente ou le partage de l'immeuble, ils peuvent signer un acte notarié par lequel ils s'engagent à rester en indivision. Cet engagement ne peut toutefois être pris que pour cinq ans.

Certaines situations d'indivision sont parfois très difficiles à gérer, comme la situation d'un couple qui se sépare, des associés qui changent d'activité, certains héritiers qui préfèrent un capital plutôt qu'un droit immobilier. À ce moment se pose le problème de la sortie d'indivision.

  • La solution la plus simple est de décider de mettre l'immeuble en vente. Cette vente peut se faire de gré à gré ou publiquement. Il faut déjà s'entendre sur le principe de la mise en vente et décider ensemble du mode de vente.

    Pour vendre de gré à gré, il suffit de trouver un acquéreur, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un tiers. Cependant, si les vendeurs se méfient l'un de l'autre, ils préféreront certainement la vente publique volontaire qui présente le plus de garantie de transparence ou de sincérité du prix : un notaire étant chargé de toute la procédure, personne ne pourra prétendre qu'un autre indivisaire se sera entendu avec l'acquéreur pour avoir avec lui un arrangement spécial!

    Le prix de vente ainsi obtenu servira à payer les dettes qui pourraient exister (par exemple, les remboursements hypothécaires et les frais de mise en vente) et le solde sera partagé entre les copropriétaires en fonction de leurs droits respectifs.

    Si un des copropriétaires désire reprendre l'immeuble, il pourra proposer de racheter les parts des autres : cela s'appellera une cession de droits indivis. Comment faut-il calculer la somme à payer ? Même s'il n'y a pas de formule précise pour la déterminer, il faut trouver la solution la plus juste : celui qui cède sa part voudra en obtenir autant que dans la première solution, celle de la vente à un tiers. Dès lors, il faudra procéder de la façon suivante : on prend pour base de départ la valeur de l'immeuble (qu'on peut faire estimer si les propriétaires ne s'entendent pas sur cette valeur), dont on déduit les charges (par exemple le remboursement hypothécaire), et le solde est à diviser entre les propriétaires en fonction de leurs droits. Celui qui reprend devra payer ce solde aux autres en s'engageant à rembourser à leur décharge le solde du prêt. Bien entendu, cette solution n'est possible qu'avec l'accord du créancier hypothécaire qui devra décharger les anciens copropriétaires.

    L'avantage de cette formule est que celui qui rachète ainsi la part des autres ne devra pas payer les mêmes frais que dans le cadre d'une acquisition. Dans ce cas, le droit d' enregistrement  (la taxe fiscale à devoir supporter) ne sera que de 1% (en Flandre, il sera de 2,5%), mais il sera calculé non pas sur la valeur de la part achetée, mais bien sur tout l'immeuble. Il faut y ajouter les autres frais de l'acte notarié et le montant total des frais d'acte sera d'environ 2% (pour une maison de 250.000 € par exemple). S'il y a plusieurs copropriétaires et si l'un d'entre eux rachète la part d'un autre, mais sans devenir seul propriétaire de l'ensemble, le droit d'enregistrement ne sera calculé que sur la valeur de la part cédée.

    Dans certaines situations, la loi prévoit un droit de préférence pour un des copropriétaires qui aura une priorité pour racheter la part des autres. Cela s'appelle l'attribution préférentielle que l'on peut retrouver dans le cadre de la liquidation de certaines successions ou de communautés conjugales.

    Tout ce qui précède n'est valable qu'en cas d'accord unanime des copropriétaires, mais un des copropriétaires peut exiger sa part, et si on ne s'accorde pas sur la vente ou la cession à un des copropriétaires, il faudra recourir à la procédure judiciaire.

  • Le Code Civil prévoit que nul ne peut être tenu de rester en indivision. Cela signifie que chaque copropriétaire peut exiger de recevoir "sa part" et peut donc forcer la vente de l'immeuble.

    La procédure pour y arriver n'est pas si aisée. Il faut tout d'abord s'adresser au Tribunal de Première Instance pour introduire une procédure en "assignant" les autres propriétaires. Cela veut dire qu'un huissier devra se présenter chez chacun d'eux pour leur notifier la date à laquelle la procédure sera introduite devant le Tribunal. Cette procédure s'introduit par l'intermédiaire d'un avocat et le Tribunal prononcera un jugement ordonnant la sortie d'indivision et nommera un notaire pour procéder aux opérations de vente et de partage du prix. Si un des copropriétaires s'oppose à cette vente, il devra faire valoir ses arguments auprès du Tribunal lors de l'audience. Celui qui n'accepte pas la décision du Tribunal peut toujours aller en appel et la procédure est suspendue jusqu'à ce que la Cour d'appel ait prononcé son arrêt.

    Le Tribunal ou la Cour d'appel nommera également un autre notaire chargé de représenter celui des copropriétaires qui n'interviendrait pas volontairement dans les opérations de vente. La procédure pourra donc être poursuivie en la présence ou en l'absence des autres copropriétaires.

    Après cette phase judiciaire, le copropriétaire qui désire forcer la vente doit demander au notaire de commencer les opérations. À ce moment, le notaire tentera de réunir toutes les parties et attirera leur attention sur les avantages d'une procédure amiable en proposant toutes les solutions possibles. Jusqu'à ce moment, il sera possible de suspendre ou d'arrêter la procédure.

    Si malgré tout aucune solution amiable n'existe, il faudra recourir à la vente. L'immeuble devra être exposé en vente publique. À partir du moment où cette procédure est lancée, elle ne peut plus être arrêtée que de commun accord des parties. Ainsi si celui qui a introduit la procédure le regrette, il ne peut plus l'arrêter sans l'accord des autres. Chacun peut acquérir en vente publique, et si un des copropriétaires le souhaite, il peut se porter acquéreur. Dans ce cas, il paiera des droits fiscaux nettement inférieurs.

    Cette vente étant ordonnée par le Tribunal, elle se fera avec une faculté de surenchère .

    Lorsque la vente sera définitive, le notaire procédera au partage du prix en fonction des droits respectifs de chacun des copropriétaires.

    La procédure de sortie d'indivision judiciaire s'avère ainsi beaucoup plus longue et plus coûteuse qu'une procédure de vente amiable : on sait quand la procédure est lancée, mais on ne sait jamais quand elle sera terminée, et quels sont les frais de procédure qu'elle va engendrer. Elle s'avère moins intéressante au niveau financier en raison de ces frais, et elle risque d'entraîner un perte de dialogue entre les copropriétaires, ce qui attise les tensions et engendre une mésentente souvent définitive.