Remariage : quel impact sur ma succession ?
Vous êtes chaque année plus nombreux à vous marier pour la seconde fois ! Le mariage est le statut offrant le plus de sécurité et le plus de souplesse au conjoint sur le plan patrimonial et successoral. Mais attention, le remariage avec des enfants issus d'une précédente union, quant à lui, produit des effets parfois différents du mariage.
Prenons l’exemple suivant : Patrick, âgé de 60 ans, est veuf depuis quelques années. Il a trois enfants, respectivement âgés de 36, 33 et 30 ans. Il se remarie avec Laetitia, une dame de 40 ans. Par la suite, Patrick décède. Quels sont les impacts de ce remariage au niveau de sa
succession
Transmission du patrimoine d'une personne défunte ou masse du patrimoine ainsi transmis.
?
Les enfants de Patrick hériteront de la nue-propriété de la succession de leur père, tandis que l’usufruit de la succession reviendra automatiquement à Laetitia, en sa qualité de conjointe survivante. Ce n’est qu’au décès de Laetitia que les enfants de Patrick pourront hériter de la pleine propriété de la succession de leur père. Concrètement, si Laetitia décède vers l’âge de 80 ans, les enfants de Patrick ne récupéreront la pleine propriété de la succession de leur père qu’à l’âge respectif de 76, 73 et 70 ans ! Résultat : les enfants peuvent se sentir lésés de voir ainsi l’
usufruit
L'usufruit est un droit, démembré du droit de propriété, d'utiliser et de percevoir les fruits du bien sur lequel il repose. En d'autres termes, l'usufruitier a un droit sur le produit de quelque chose dont quelqu'un d'autre est propriétaire (ce dernier est appelé le "nu-propriétaire").
On peut comparer l'usufruit à un pommier : l'arbre lui-même appartient au nu-propriétaire, mais l'usufruitier peut cueillir les pommes sur l'arbre sa vie durant.
L'usufruitier ne peut pas jamais aliéner le bien (le vendre ou le donner).
Si l'usufruit porte sur un immeuble, l'usufruitier peut continuer à occuper le bien. Il peut aussi le louer et en percevoir les loyers,
Si l'usufruit porte sur un meuble (une voiture par exemple), il peut continuer à l'utiliser sa vie durant.
Si l'usufruit porte sur de l'argent ou des comptes, il peut en percevoir les intérêts (le capital, quant à lui, reste la propriété du nu-propriétaire).
L'usufruitier a par ailleurs des devoirs : il doit maintenir la propriété en état (les frais d'entretien sont à sa charge, le nu-propriétaire, quant à lui, doit seulement se charger des grosses réparations).
de la succession de leur père revenir à leur belle-mère et devoir attendre le décès de cette dernière pour en récupérer la pleine propriété. Comment Patrick peut-il limiter, voire supprimer l’usufruit dont héritera Laetitia, afin que ses enfants ne se sentent pas lésés ? Comment rétablir une certaine équité vis-à-vis de ses enfants ?
1/ Patrick peut limiter l’usufruit de Laetitia par
testament
Un testament est un écrit qui reprend les dernières volontés d’une personne. Le testateur (=l’auteur du testament) y précise comment et à qui ses biens reviendront après son décès. Il y a trois formes de testaments : olographe, authentique et international. Chaque forme de testament présente des avantages et des inconvénients.
, mais dans une certaine mesure uniquement car il doit respecter la
part
Titre de propriété portant sur le capital d’une entreprise. On parle de « part » dans le cadre d’une société simple (SNC ou SComm), contrairement aux SA, SRL et SC pour lesquelles on parle d’actions.
successorale minimale réservée à Laetitia (la
réserve
Part du patrimoine dont on ne peut disposer librement par donation ou testament et revenant aux héritiers légaux (conjoint survivant et descendants par exemple).
légale) en tant que conjointe survivante, à savoir :
- Soit au minimum l’usufruit sur le logement familial Le logement familial est le lieu privilégié où la famille se loge, mange, partage ses loisirs : là où elle vit et où chacun de ses membres peut s'épanouir. Il s'agit du lieu où la famille habite réellement. Il ne s'agit pas nécessairement du domicile. Ainsi, une même personne pourrait avoir un domicile (où elle exerce par exemple son activité professionnelle) et une résidence (où elle habite avec son conjoint et ses enfants). Le logement familial bénéficie d’une protection : lorsqu’il appartient à un seul des époux ou cohabitant légal, celui-ci ne peut vendre ou hypothéquer cet immeuble sans l’accord de son époux ou de son cohabitant légal. et les meubles qui le garnissent (à condition que cet usufruit représente au minimum la moitié de la succession) ;
- Soit, s’il n’y a pas de logement familial (car il est loué ou car il appartient à une
société
Une société est constituée par un contrat dans lequel deux ou plusieurs personnes mettent quelque chose en commun, pour exercer une ou plusieurs activités déterminées et dans le but de procurer aux associés un bénéfice patrimonial direct ou indirect. Certaines sociétés ont la personnalité juridique, d’autres pas.
par exemple) l’usufruit d’au minimum la moitié de la succession. S’il y a un logement familial dont la valeur est inférieure à la moitié de la succession, le conjoint survivant bénéficiera d’un complément afin d‘arriver à ladite moitié de la succession.
2/ Si, par contre, Patrick décide de limiter l’usufruit de Laetitia par contrat de mariage ou par un acte Document écrit qui constate une convention passée entre une ou plusieurs personnes. On distingue l'acte sous seing privé qui est établi par les cocontractants sous leur seule signature de l'acte authentique qui est dressé et reçu par une personne dotée d'une autorité publique, comme le notaire. L'acte authentique est revêtu de la force exécutoire (comme pour un jugement), ce qui signifie que les signataires peuvent donc, en principe, faire appel directement à un huissier en cas de non-respect de l'acte. modificatif de ce contrat, il peut aller plus loin et même supprimer entièrement l’usufruit de Laetitia SAUF son droit d'habitation Un propriétaire peut décider de conférer, oralement ou par convention, à un usager un droit d'habitation sur son bien immobilier. Le droit d'habitation ne peut être cédé ou loué et se restreint à ce qui est nécessaire pour l'habitation de celui à qui ce droit est concédé, et de sa famille. sur le logement familial (et droit d'usage sur les meubles), qui lui, reste intouchable durant 6 mois à dater du décès. Cet aménagement via le contrat de mariage est aussi appelé « Pacte Valkeniers ».
En outre, les enfants de Patrick ont le droit de réclamer la conversion de l’usufruit de Laetitia (en octroyant par exemple une somme d’argent à Laetitia correspondant à la valeur de cet usufruit, pour pouvoir récupérer directement la pleine-propriété). Une exception : Laetitia pourra s’opposer à la conversion de l’usufruit s’il porte sur le logement familial et les meubles qui le garnissent. Pour calculer la valeur de cet usufruit, on tient compte de l’âge du conjoint survivant. Plus le conjoint est jeune, plus la valeur de l’usufruit sera élevée, et plus la conversion sera chère pour les enfants ! C’est pourquoi la loi a prévu que le conjoint survivant est dans ce cas censé avoir au moins 20 ans de plus que l’aîné des enfants. Ici, Laetitia (40 ans) a à peine 4 ans de plus que l’aîné des enfants de Patrick (36 ans). Son âge sera donc augmenté fictivement par la loi à 56 ans, de manière à ce que la conversion de l’usufruit soit plus équitable pour les enfants.
Plus d'infos sur le Pacte Valkeniers Clause insérée dans un contrat de mariage permettant, en cas d’enfants issus d’une précédente union, de priver le conjoint survivant de ses droits successoraux (en ce compris sa ) à l’exclusion du droit d’habitation sur l’habitation familiale et sur les meubles meublants durant une période de 6 mois à dater du décès. La clause Valkeniers (également appelée « pacte Valkeniers ») doit être prévue au moins 1 mois et demi avant le mariage. Contactez votre notaire à temps ! Plus d'infos sur le pacte Valkeniers ici. et les droits successoraux du conjoint survivant.